Entrevue de l'économiste Paul Aries par le maire de Grigny René Balme à l'occasion du lancement du journal "Sarkophage : contre tous les sarkozysmes" ce 14 juillet 2007 par Paul Aries.
Paul Ariès, l’un des principaux théoriciens et acteurs du combat contre la malbouffe (la fin des mangeurs, DDB), contre la McDonaldisation (Les Fils de McDo, l’harmattan, Petit Manuel anti-McDo, Golias), contre l’agression publicitaire (Putain de ta marque ! , petit manuel antipub, Golias), en faveur de la décroissance (décroissance ou barbarie, Golias) prolonge dans ce nouveau pamphlet sa critique au vitriol de la société de consommation et sa recherche de nouveaux moyens d’émancipation.
Le politologue lyonais revient sur la victoire idéologique du marxisme au 19e puis au 20e siècle qui a eu pour conséquence de réduire la contestation sociale à la seule sphère de la production et à la seule figure du prolétaire-salarié. Il montre comment les mouvements révolutionnaires (syndicalistes et politiques)faute de disposer d’une théorie critique de la consommation de masse ont vidé cette notion de tout contenu politique contribuant ainsi à la casse des cultures populaires. Il rappelle comment cette victoire du communisme a sonné le glas du mouvement coopératif si cher au vieux mouvement ouvrier. Il revient sur les causes des échecs des expérimentations dans le cadre du catholicisme social ou des milieux libertaires. Le peuple a donc appris au 20e siècle à devenir tout autant forçats de la consommation que forçats du travail. Il s’est fait à la discipline de la grande distribution comme à celle de la caserne et de l’usine. Les grands mouvements de défense des consommateurs ont ainsi beaucoup plus accompagné que contesté durant tout le 20e siècle le développement de la société de consommation. Les « exclus » et les « déçus » de la consommation sont cependant de plus en plus nombreux et ne cessent d’inventer de nouveaux fronts : commerce équitable, commerce éthique, consom-acteurs, etc. Le système économique fait cependant la preuve de sa capacité à digérer ces formes nouvelles de rebellion : banalisation de la « Bio » dans la grande distribution, loi de 2006 resteignant le commerce équitable aux seules relations Nord/Sud et refusant d’en faire un instrument pour faire évoluer l’ensemble des filières, etc. Ce courant de l’alter-consommation est donc déjà dépassé par la naissance d’un nouveau mouvement, cette fois ouvertement fondé sur le refus de la consommation. Des boycott ciblés à la « simplicité volontaire », du refus de l’idéologie des prix bas à celui des rituels qui nous font vivre la vie sur le mode du lèche-vitrine, de la volonté de consommer beaucoup moins au projet de lancer une grève générale de la consommation conçue comme un véritable mouvement social (avec ses revendications que l’on oppose aux gouvernements et patronat), « No Conso » est donc bien le bréviaire de l’anti-consommation tout comme « No Logo » fut celui de l’alterconsommation.